Après le Pr. Dominique Jacquemin (infirmier, prêtre, Docteur en santé publique, théologien et bioéthicien à l’UCLouvain), la Dr Florence Hut (Docteur en médecine, chirurgienne et directrice médicale du CHWAPI) et Éric De Staercke (comédien, professeur d’Art dramatique et fondateur de compagnie théâtrale), c’était au tour du Primat de Belgique, le Cardinal Jozef De Kesel, de venir alimenter les réflexions de Carême à la Cathédrale Notre-Dame de Tournai pour ce cycle de conférences.
Pour le chanoine Patrick Willocq, cheville ouvrière des nombreux événements organisés à la Cathédrale à l’occasion du Carême, la venue du cardinal De Kesel était source de joie à plus d’un titre. Elle était d’abord signe de son amitié pour le diocèse de Tournai et pour notre évêque, présent dans l’assemblée. Mais elle était aussi témoin du chemin de bonne santé sur lequel avance le Primat de Belgique après de longs mois de maladie.
S’appuyant sur l’ouvrage qu’il a récemment publié (Foi & religion dans une société moderne, Ed. Salvator, 140 p.), le cardinal a détaillé comment l’espérance doit rester de mise pour l’Église de demain : « Tout n’est pas positif, nous sommes confrontés à des incertitudes, mais il n’existe pas de raisons de désespérer. On ne vit pas la fin du christianisme, ici en Occident, notre mission n’est pas mise en cause mais ce sont les conditions de l’exercer qui ont changé. »
Jozef De Kesel est alors retourné à de nombreuses reprises dans l’histoire pour mettre la situation de l’Église en contexte, car pour comprendre cette situation, il est important de savoir d’où on vient. Évoquant les siècles passés, au cours desquels le christianisme était le cadre de référence et était une religion culturelle, s’arrêtant sur un Concile Vatican II qui entérinait un passé irrémédiablement derrière nous, le cardinal estime que nous ne sommes pas dans une époque de changements mais plutôt à un changement d’époque.
« Je ne plaide pas pour un retour au passé ou pour de la nostalgie. Nous ne devons pas avoir honte de notre passé, mais nous ne devons pas l’idéaliser. Quand une religion domine, les autres croyances n’ont pas droit de cité, il n’y a pas de place pour la dissidence et l’altérité. Une culture religieuse constitue toujours un danger car elle n’est pas tolérante. Je préfère nettement une culture sécularisée à une culture religieuse. »
Alors comment se positionner, dans cette société sécularisée, où chacun est libre de choisir sa religion ? « Une culture pluraliste est un pas en avant », insiste le Primat de Belgique. « Si notre projet pastoral était de reconquérir une culture religieuse, nous perdrions toute crédibilité. Il faut voir la pluralité comme une richesse. » Pourtant, dans les médias, on parle souvent de l’Église en termes de crise, de diminution des effectifs, de réduction des assemblées dominicales. « Ce n’est pas la fin de notre foi. Notre mission est d’annoncer la Bonne Nouvelle, nous sommes envoyés dans le monde pour vivre de l’Évangile et en témoigner. »
Aujourd’hui, il s’agit donc de s’engager dans un monde beaucoup plus grand que l’Église. Comme l’a dit le pape François, le problème n’est pas d’être peu nombreux mais d’être insignifiants. « L’Église doit être partout, y compris dans les périphéries, dans toutes les circonstances de la vie et surtout là où la dignité humaine est menacée. Nous ne devons pas conquérir le monde mais être présents, en écoutant la Parole, en célébrant, en vivant la fraternité et la solidarité. C’est ainsi que l’Église devient signe vers l’extérieur. »
C’est en quelques mots et en quelques idées très simples et très claires que le cardinal De Kesel détaille ce qui doit selon lui constituer les priorités de l’Église. « Une Église humble, sans complexes mais sans arrogance, ouverte, qui s’engage pour une société plus humaine. » Une Église qui ne veut pas convertir à tout prix mais qui se montre proche. Qui accepte de ne plus occuper la position qu’elle avait dans le passé et qui résiste à toute volonté de conquête. Plus petite, sans doute. Mais fière de son identité, qui résiste à la tyrannie de la pensée unique.
« Il ne faut pas paniquer par rapport à la situation actuelle de l’Église. Ce qui est important, c’est de savoir comment réagir. » Ne pas se replier sur soi-même, ne pas se suffire à soi-même, ne pas être sur la défensive, ne pas condamner. Mais s’ouvrir à ceux qui cherchent…
Agnès MICHEL