Samedi dernier 19 février 2022, dans un des auditoires de l’Université de Namur, un colloque islamo-chrétien avait été organisé, avec comme thème : l’avenir de la planète. Les interventions principales étaient réellement d’une haute tenue. Tout le monde s’y retrouvait.
L’après-midi, des témoins ont apporté leur contribution. Je ne pouvais que m’en féliciter. C’était réellement une contribution remarquable pour le discernement et les actions à entreprendre.
Parmi les interventions de l’après-midi figurait le témoignage d’une nutritionniste musulmane. Absolument fantastique. Ensuite venait le témoignage d’un professeur de religion catholique d’un collège jésuite sur les hauteurs de Namur. Très instructif.
Venait alors une question d’un membre de l’assemblée présente. Comment voyez-vous le Ramadan ? Comment voyez-vous le Carême ? Sans entrer dans le développement des deux intervenants, voici comment j’ai perçu les questions. Y a-t-il un lien entre le Ramadan et le Carême ?
Réponse : non. Certes, on peut envisager le Carême comme un exercice d’élévation spirituelle. Mais ce n’est qu’un tout petit aspect. L’essentiel n’est pas là. Le Carême des chrétiens n’est pas à comparer avec un mois de jeûne chez les musulmans. Le Carême est en relation immédiate, non pas avec un mois, mais avec le mystère pascal du Christ.
Chez les musulmans, le Ramadan correspond à un mois du calendrier. Il fait référence au don de la révélation de Dieu au Prophète. Il insiste évidemment sur le jeûne au plan de la nourriture, de la boisson et des relations sexuelles, indépendamment d’une fête fixe. Le Ramadan a une durée d’un mois lunaire, soit vingt-huit jours. Le soir, après le coucher du soleil, les familles et les amis se réunissent pour un moment de convivialité qui peut durer jusqu’aux aurores. Durant le Ramadan, en général, on prend du poids. Et on est heureux de partager la joie de vivre ensemble. J’ai déjà participé, à plusieurs reprises, en Egypte comme en Belgique, à la rupture du jeûne. Ce sont des moments inoubliables. Merci pour les communautés musulmanes qui m’ont invité à ce moment inoubliable de fête avec toutes les personnes invitées, quelles que soient leurs convictions.
Le Carême chrétien est complètement différent dans sa signification. Contrairement à ce que certains « anciens catholiques » des années 1930 pensent, le carême n’est pas d’abord un mois d’exercice spirituel pour jeûner comme un moine du désert aux premiers siècles de notre ère, mais c’est un temps qui est destiné aux catéchumènes, des personnes non baptisées qui demandent de devenir chrétiennes par la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne : le baptême, la confirmation et l’eucharistie, au cours de la veillée pascale.
Le Carême est orienté vers le mystère pascal du Christ, la Pâque, le passage de la mort à la résurrection au cours de la nuit de Pâques. Il s’agit d’un temps de discernement, un temps d’épreuves, comme Moïse et le peuple de l’alliance l’ont vécu dans le désert après le passage de la Mer Rouge (la Pâque de la sortie d’Egypte) durant quarante ans ; un temps de tentation comme Jésus l’a vécu dans le désert pendant quarante jours. Le nombre de quarante a été repris par le calendrier de l’Eglise pour accompagner les catéchumènes pour un discernement ultime avant la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne à la veillée pascale.
Comment calculer les quarante jours ? C’est souvent présenté de manière très compliquée. Et pourtant ce n’est pas si étrange à comprendre.
Quarante jours, sans compter les dimanches. Cela commence au mercredi des cendres et cela s’achève le Jeudi Saint dans l’après-midi. Les dimanches de carême ne font pas partie des jours de « jeûne », ce sont des dimanches, à chaque fois des jours au cours desquels nous faisons mémoire de la résurrection du Christ.
Le Jeudi Saint au soir commence le triduum pascal. En d’autres termes, les trois jours de la Pâque du Christ : jeudi (dernière cène, lavement des pieds, prière au jardin de Gethsémani, arrestation au jardin des oliviers) ; vendredi (passage au tribunal du Sanhédrin, au tribunal de Pilate, chemin de croix, crucifixion, mort de Jésus, mise au tombeau) ; samedi (jour du grand silence où il ne se passe rien ; pas de liturgie particulière) ; nuit du samedi au dimanche (veillée pascale, sacrements de l’initiation chrétienne) ; jour du dimanche (résurrection du Christ) jusque dans l’après-midi. Le triduum pascal ne se célèbre pas comme des jours « ordinaires » : pas d’eucharistie après la Cène du jeudi ; pas de liturgie avant la nuit de Pâques, sauf la liturgie de la passion et de la mort du Seigneur, le vendredi ; tout ce qui aurait dû être programmé (funérailles avec eucharistie ; mariage ; communion aux malades, messes du samedi soir) est reporté.
Tout, durant les quarante jours du Carême, depuis le mercredi des Cendres jusqu’au Jeudi-Saint dans l’après-midi, est déterminé par l’accompagnement des catéchumènes. Cela suppose des célébrations très denses : l’appel décisif et l’inscription du nom, le premier dimanche de carême ; les scrutins des catéchumènes durant trois dimanches de Carême ; ainsi que la reddition du Symbole de Foi, du Notre Père et, encore, l’onction des catéchumènes avec l’huile qui leur est destinée.
Où sont mentionnés le jeûne, l’abstinence dont nous parlent les médias qui ne sont jamais entrés dans l’accompagnement des catéchumènes ?
Et ceux qui sont déjà baptisés ? Qu’est-ce qui leur est proposé ? Un renouvellement sérieux dans l’accueil de ce qui a été reçu au moment des sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation, eucharistie.
Ici, évidemment, il faut bien constater que nous n’avons pas toujours été à la hauteur de ce que nous avons reçu. Alors ? Comme laisser renouveler en nous ce que nous avons reçu ? C’est simple : conversion, demande de pardon, célébration du sacrement de la réconciliation, prière, jeûne, gestes de miséricorde. Le nombre de propositions est immense. A nous de choisir.
Mais, il n’y a pas que cela. Chaque dimanche de Carême, la liturgie nous propose des textes bibliques, des psaumes et bien d‘autres récits qui nous encouragent à « relire l’ensemble du dessein de Dieu » sur l’humanité, quelle que soit la période envisagée.
En 2022, la liturgie dominicale à la Cathédrale de Tournai accueille des catéchumènes pour les scrutins. Les textes bibliques pour les scrutins sont, comme prévu par le Rituel, de l’année A. Laissons-nous interpeller par ces textes et laissons-nous transformer par eux.
Merci pour votre témoignage du mystère pascal du Christ !
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai
L’heure est venue de l’exode nouveau ! Voici le temps de renaître d’en-haut ! Quarante jours avant la Pâque, Vous commencez l’ultime étape !
Vivons en enfants de lumière, Sur les chemins où l’Esprit nous conduit : Que vive en nous le nom du Père !
L’heure est venue de sortir du sommeil ! Voici le temps de l’appel au désert ! Allez où va le Fils de l’homme. La joie de Dieu sur lui repose.
L’heure est venue de lutter dans la nuit ! Voici le temps d’affronter l’Ennemi ! N’ayez pas peur face aux ténèbres, À l’horizon la croix se dresse.
L’heure est venue de grandir dans la foi ! Voici le temps de la faim, de la soif ! Gardez confiance, ouvrez le livre, Voici le pain, voici l'eau vive !
L’heure est venue d’affermir votre cœur ! Voici le temps d’espérer le Seigneur ! Il est tout près, il vous appelle. Il vous promet la vie nouvelle.
L’heure est venue de courir vers la vie ! Voici le temps de trouver Jésus-Christ ! Il est présent parmi les pauvres. Il vous précède en son Royaume.