En ce deuxième dimanche de l’Avent, la liturgie nous propose le commencement de l’évangile de Marc : Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu (Marc 1,1).
L’évangéliste inaugure une période nouvelle du dessein de Dieu.
Le premier livre de la Bible, la Genèse, évoque l’origine du monde, la création : Commencement de la création par Dieu du ciel et de la terre (Genèse 1,1). L’évangile de Jean est ouvert par ces mots : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu (Jean 1,1). Ici aussi il s’agit de l’origine du monde.
Marc ne parle pas de l’origine du monde, de la création, mais de la Bonne Nouvelle de Jésus. Il évoque ainsi la fin de son évangile.
La première finale de l’évangile se trouve en Marc 16, 6-8 : Après avoir eu le message du jeune homme au tombeau vide : Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth le crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici ; voyez l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : « Il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit » (16,6-7), la réaction des femmes est étonnante : Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur (16,8). Les femmes n’annoncent pas la résurrection du Christ.
La seconde finale de l’évangile se trouve en Marc 16,19-20 : Après l’ascension du Ressuscité, (les disciples) partirent prêcher partout : le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.
La finale de l’évangile comprend une bonne nouvelle à annoncer. C’est ce que le jeune homme dit aux femmes. C’est ce que font les disciples en prêchant partout.
Après cette ouverture de son évangile, Marc fait une citation du prophète Isaïe. Nous avons Isaïe comme première lecture de ce dimanche. Encore un commencement.
Consolez, consolez mon peuple ! – dit votre Dieu – parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes.
Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu » (Isaïe 40,1-3).
En effet, ce passage évoque la prédication du prophète Isaïe destinée aux Israélites exilés en Mésopotamie après la chute du Temple de Jérusalem en 586. Isaïe s’adresse aux déportés au moment où le Perse Cyrus le Grand prend la ville de Babylone en 538. Cyrus va libérer les exilés et leur permettre de retourner à Jérusalem. Le prophète annonce que l’exil est terminé et que la traversée du désert entre Babylone et Jérusalem sera comme une route tracée pour le passage de Dieu.
Un héraut situé sur une haute montagne apporte la bonne nouvelle de la fin de l’exil à Sion, Jérusalem : Voici votre Dieu ! Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout (Isaïe 40,9-10).
Dans une ambiance joyeuse, les Israélites sont libérés de ceux qui les avaient déportés à Babylone. Comme avaient été libérés les Hébreux des Egyptiens au temps de Moïse. Marc ouvre son évangile par l’annonce d’une libération, une bonne nouvelle.
Dans cette citation, on trouve également une citation d’Exode 23,20 et une citation de Malachie 3,1.
Ensuite, sans transition, Marc parle de Jean : Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés (Marc 1,4).
Alors qu’Isaïe parlait d’un messager qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, Marc introduit la personne de Jean qui paraît dans le désert. Il proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés. On passe d’une préparation du chemin du Seigneur en rendant droits ses sentiers, chez Isaïe, à un baptême de conversion pour le pardon des péchés, chez Marc.
Le résultat est fulgurant : Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de Jean, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés (Marc 1,5). Tout le monde se convertit grâce à la parole de Jean le Baptiste.
Marc nous donne une description de Jean : Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage (Marc 1,6). Jean est présenté comme un prophète, un ascète, à la manière du prophète Elie. Celui-ci est un des premiers prophètes en Israël au IXème siècle avant notre ère. Il est considéré comme le défenseur de la foi au vrai Dieu face à ceux qui vénéraient des idoles comme les baals. Le prophète Malachie avait annoncé, au plus tard vers 400 avant notre ère, qu’Elie devait venir avant que ne surgisse le Jour du Seigneur (Malachie 3,23). Jean est par conséquent présenté comme un prophète des derniers temps, qui prépare le Jour du Seigneur.
Marc donne ensuite le contenu de la parole de Jean : Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint » (Marc 1,7-8). Jésus est le plus fort en tant que Seigneur dont Jean prépare le chemin et parce qu’il baptisera dans l’Esprit Saint et non dans l’eau. Marc n’explique pas en quoi consiste le baptême dans l’Esprit Saint. Question supplémentaire : en quoi Jésus est-il le plus fort ? Marc y répondra quand il parlera des exorcismes et du combat de Jésus contre Satan (Marc 1,12-13 ; 3,22-27 ; 5,1-20 ; 9,14-29).
Jean est bien le précurseur ; il n’est pas le Messie, le Christ, le Fils de Dieu. Une fois sa mission achevée, c’est Jésus qui est mis à l’avant-plan. Jésus commence son ministère après l’arrestation de Jean (Marc 1,14).
Certains prétendent que le Seigneur a du retard. Qu’ils se détrompent. Pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. La perception du temps, de la durée, n’est pas la même que celle des êtres humains. En fait, le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse.
Il prend patience envers nous, il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre ; il veut que tous parviennent à la conversion. Selon la conception religieuse de son temps, l’apôtre Pierre se représente le jour du Seigneur comme la « fin de ce monde », la disparition des cieux, la dissolution de tout ce qui est sur la terre et de la terre elle-même.
Aussi l’avènement du jour de Dieu correspondra-t-il à un ciel nouveau et à une terre nouvelle où résidera la justice. Dans l’attente de ce jour faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix (2 Pierre 3,14).
Attendez la réalisation de la promesse du Seigneur, en vivant dans la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu (2 Pierre 3,11-12).
J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
Et la gloire habitera notre terre.
Le répons du psaume :
Fais-nous voir, Seigneur, ton amour,
Et donne – nous ton salut.
Aurelius Augustinus est né le 13 novembre 354 à Thagaste (aujourd’hui Souk-Abras en Algérie). Son père, Patricius, est attaché aux cultes anciens de l’empire romain ; sa mère, Monique, est chrétienne. Augustin va à la petite école de la ville où il apprend à lire, écrire, compter, le latin et un peu de grec. Il est formé aux lettres à Madaure, où il est introduit à Térence, Cicéron, Salluste, Virgile, Varron. En 370, il est à Carthage (aujourd’hui en Tunisie).
Il a une liaison avec une femme, dont il a un fils, Adéodat. En 372, il lit l’Hortensius de Cicéron. Il prend connaissance de la Bible dans la version vieille africaine, un latin barbare. Il en est déçu. Comment Dieu peut-il accepter d’être dit dans une langue pleine de fautes de grammaire ? Il cherche une communauté chrétienne ; il tombe sur les Manichéens. Il retourne à Thagaste pour y enseigner.
En 374, il retourne à Carthage comme professeur. En 383, il tente sa chance à Rome, où il est déçu par l’ambiance, les étudiants, la manière de vivre. Le préfet de la ville, Symmaque, lui propose la chaire de rhétorique à Milan, qui est, à ce moment, la capitale de l’empire. En acceptant cette chaire, Augustin intègre l’appareil d’Etat, qui lui ouvre la voie de la haute administration. Devant cette promotion qui le fait entrer dans la haute société, il renvoie sa compagne, trouvée à Carthage, et se trouve une nouvelle compagne. Il découvre le « cercle de Milan », un groupe de personnes intéressées par Platon, dont l’évêque Ambroise est le personnage le plus en vue.
Augustin va écouter les prédications d’Ambroise. Il apprend à lire la Bible autrement que dans la version vieille africaine. En 386, il change de vie et démissionne de toutes ses fonctions. Il se rend à Cassiciacum, dans la région du lac de Côme, avec sa mère, son fils et quelques intimes. En 387, il regagne Milan comme catéchumène ; à ce titre il est formé par Ambroise et est baptisé à la veillée pascale du 24 avril de la même année. Il retourne à Thagaste. Son fils Adéodat y meurt, âgé de 17 ans.
Augustin vit dans une petite communauté d’amis. Il rédige livre sur livre pendant deux ans. Il prospecte la région pour y trouver une nouvelle demeure, pour lui et la communauté. Il passe par Hippone, la deuxième ville après Carthage, et entend l’évêque Valerius exposer le besoin d’avoir un prêtre de plus. Les personnes présentes acclament Augustin et le présentent à l’évêque, qui l’ordonne prêtre. Nous sommes en 391. Valerius, Grec d’origine, maîtrise mal le latin et le punique, la langue locale.
Il donne à Augustin la faculté de prêcher, une mission habituellement réservée à l’évêque seul. Augustin intervient comme expert à plusieurs conciles. Valerius propose à l’évêque de Carthage, primat d’Afrique, d’ordonner Augustin évêque afin de lui succéder à Hippone. Augustin est ordonné en 395 et succède à Valerius en 396.
Il participe à de nombreux conciles locaux pour chercher à défendre les « catholiques » face à quelques groupes de chrétiens, qui enseignent des doctrines qui ne sont pas partagées par l’Eglise universelle. Il assiste à l’invasion progressive d’ethnies venant de l’Est de l’Europe. Il meurt le 28 août 430 dans une ville, Hippone, assiégée par les Vandales. Comme évêque, Augustin a beaucoup prêché et rédigé quantité de traités philosophiques et théologiques. Son œuvre est immense.
Voici un extrait du Sermon 293, Jean le Baptiste
Jean apparaît comme une frontière placée entre les deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau. Qu’il forme une sorte de frontière, le Seigneur lui-même l’atteste lorsqu’il dit : « La Loi et les prophètes vont jusqu’à Jean ». Il est donc un personnage de l’antiquité et le héraut de la nouveauté (…) On demandait à Jean qui annonçait déjà le Seigneur : « Toi, qui es-tu ? » Et il répondit : « Je suis la voix qui crie dans le désert ». La voix, c’est Jean, tandis que le Seigneur est la Parole : « Au commencement était le Verbe ». Jean, c’est la voix, pour un temps ; le Christ, c’est le Verbe (la Parole) au commencement, c’est le Verbe éternel.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai