Depuis le 2 novembre 2020, nous voilà confinés afin d’empêcher, selon nos moyens, la propagation du covid-19.
Parmi les moyens, nous avons l’interdiction d’organiser toutes les formes de rassemblements. Et donc l’interdiction de participer à une assemblée liturgique. Nous pouvons avoir toutes les justifications pour contourner l’interdiction. Nous savons bien que cela ne mène à rien, si ce n’est peut-être à entrer dans une atmosphère de révolte contre le réel.
Un regard rapide sur notre entourage et sur les avis de décès nous ramène à une réalité qui est, pour beaucoup, dramatique, source de tristesse profonde. Rien que par solidarité, nous restons calmes et nous rendons grâce parce que, pour le moment, nous sommes vivants. Des témoignages de personnes qui ont été atteintes par le virus et qui en sont sorties guéries, même si elles sont encore bien affaiblies, nous font voir autre chose que « des choses à organiser » pour bien vivre les fêtes de fin d’année.
C’est dans ce contexte que nous entrons dans le temps liturgique de l’Avent.
L’être humain aime bien ce qui est nouveau ; il adore les commencements de périodes de bonheur ; il est ébloui, transformé, rien qu’en regardant un enfant qui vient de naître.
La nouvelle année liturgique est appelée année B, au cours de laquelle l’évangile de Marc est proclamé à la liturgie une bonne partie des dimanches.
Au fait, qui a lu l’évangile de Marc en entier, du début à la fin ? Celui qui ne l’a jamais fait pourrait essayer.
Que dit Marc en ce premier dimanche de l’année liturgique, appelé le premier dimanche de l’Avent ? Jésus disait à ses disciples : Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! (Marc 13,33-37)
Il ne s’agit pas de veiller pour ne pas s’endormir. Ce n’est pas une lutte contre le sommeil. C’est attendre le retour du maître de la maison, de l’homme parti en voyage.
De qui parle-t-on ? Du Christ ressuscité, qui est monté au ciel, assis à la droite du Père. Le Christ vient à la fin des temps. Il vient à notre rencontre. Tout ce que nous faisons, programmons, réalisons, projetons, a un horizon : le Seigneur vient ! Je l’attends, je veille, je prépare son retour.
Dans la deuxième lecture de ce dimanche, nous avons une lettre de l’apôtre Paul, la première aux Corinthiens.
Au fait, qui a lu une lettre de Paul en entier, du début à la fin ? Oh ! C’est difficile, c’est compliqué, à quoi cela sert-il ? On n’est plus au temps de Paul !
Lisons un tout petit passage : Le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous. Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur (1 Corinthiens 1,6-9).
La première lecture du premier dimanche de l’Avent est un extrait du livre d’Isaïe.
Je ne vais pas demander qui a lu Isaïe en entier, il y a plus de soixante chapitres !
Le passage de ce dimanche est une sorte de prière : Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face (…). Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend (Isaïe 63,17 ; 63,19 ; 64,2-3).
Le Seigneur descend des cieux pour rencontrer celui qui l’attend. Nous connaissons la suite, Jésus, le Fils de Dieu, est descend du ciel pour ceux qui attendaient une intervention de Dieu en ce monde.
Saint Jean, dans le IVème Evangile, dira que la Parole de Dieu est venue en ce monde, que la lumière est venue dans les ténèbres : Le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu (…). Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité (Jean 1,1 ; 1,14).
En réponse à la prière d’Isaïe, nous avons le Psaume 79.
Qui a lu le psaume 79 ? Les psaumes sont des prières, des louanges, des plaintes, des récits qui encouragent ou qui demandent la force de se convertir.
Aujourd’hui, le Psaume 79 dit :
Dieu de l’univers, reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : Visite cette vigne, protège-la, Celle qu’a plantée ta main puissante.
La vigne, c’est nous. Dieu viendra, nous en sommes sûrs.
Veillons dans la confiance !
La Préface du premier dimanche de l’Avent dit ceci :
(Le Christ) viendra de nouveau, revêtu de sa gloire, afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens que tu nous as promis, Père, et que nous attendons en veillant dans la foi.
Les biens que tu nous as promis…
En ce temps de confinement, le Seigneur travaille notre cœur pour que nous puissions accueillir ce qui nous est promis. La paix du cœur, la joie, l’amour envers ceux qui passent par l’épreuve, l’amour que nous recevons de tant de personnes depuis notre naissance, tout cela, ce sont des biens que nous attendons en veillant dans la foi.
Je suis un peu audacieux avec vous. J’aime bien les Pères de l’Eglise, ces hommes, martyrs, pasteurs, confesseurs de la foi, docteurs de l’Eglise, théologiens, qui ont vécu du IIème au VIIème siècle après Jésus-Christ. Ils ont des formules étonnantes pour témoigner de leur foi. Je vous présente Léon le Grand, un évêque de Rome, Successeur de Pierre, qui avait le don de bien discerner dans la foi ce qui était fondamental pour approcher du Christ et vivre de l’Evangile.
Léon est né entre 390 et 400, en Toscane ou à Rome. Archidiacre de Rome sous les papes Célestin Ier (422-432) et Sixte II (432-440), il est en Gaule en 440 afin d’y régler un problème politique. A la mort de Sixte II, le peuple romain élit Léon évêque de Rome, successeur de Pierre, alors qu’il est toujours en Gaule. Revenu à Rome, il est effectivement évêque de Rome le 29 septembre 440. Léon a dû gérer énormément de problèmes politiques en raison de l’invasion de « barbares » durant les dernières années de l’empire romain, dont la capitale est à Ravenne (402-476). Il est un interlocuteur fiable, compétent et écouté lors du concile de Chalcédoine (451). Son influence est déterminante et permet de dégager une majorité pour la formule dite de Chalcédoine sur le Christ, une seule personne en deux natures. Léon meurt en 461.
Il nous laisse 97 Sermons et bien d’autres œuvres théologiques. Voici un extrait du Sermon 59
Pour que les fidèles sachent que leurs cœurs ont en eux ce qui leur donnera la force de s’élever à la sagesse d’en haut en méprisant les convoitises du monde, le Seigneur leur promet sa présence en ces termes : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28,20). Ce n’est pas en vain que l’Esprit Saint avait dit par la bouche d’Isaïe : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit ‘Dieu avec nous’ » (Isaïe 7,14). Jésus réalise donc le sens de son nom, et, s’il monte aux cieux, il n’abandonne pas ceux qu’il a adoptés ; lui qui siège à la droite du Père, il continue d’habiter lui-même tout son corps. Son corps, c’est nous, les baptisés.
L’homélie pour Noël de Léon le Grand est un texte mémorable (Liturgie des Heures, Office des lectures) :
Chrétien, prends conscience de ta dignité. Puisque tu participes maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel chef tu appartiens, et de quel corps tu es membre. Souviens-toi que tu as été arraché au pouvoir des ténèbres pour être transféré dans la lumière et le royaume de Dieu. Par le sacrement du baptême, tu es devenu temple du Saint-Esprit. Garde-toi de mettre en fuite un hôte si noble par tes actions mauvaises, et de retomber ainsi dans l’esclavage du démon, car tu as été racheté par le sang du Christ.
Qui de nous ne pense pas au discours de Jésus la veille de sa mort dans le IVème Evangile (Jean 14,15-21) ?
Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai