Nous avons entendu, depuis le début du Carême, que Dieu a fait alliance avec Noé, avec Abraham, avec Moïse.
Aujourd’hui il nous faut parcourir plusieurs siècles pour comprendre la première lecture, tirée du deuxième livre des Chroniques. En effet, après l’alliance avec Moïse, le don de la Loi sur la montagne du Sinaï, les Hébreux ont encore vécu de longues années au désert. Ensuite, sous la conduite de Josué, ils sont entrés en Canaan. Nous assistons à l’évolution de tribus qui sont partagées entre la foi au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et l’adoration de divinités locales.
Vers l’an mil avant Jésus-Christ, commence un nouveau système politique avec Saül comme roi. Il est de la tribu de Benjamin. Il ne correspond pas à ce que Dieu attend de lui. Dieu choisit un autre roi, David, qui est de la tribu de Juda. Le fils de David, Salomon, fait édifier le Temple de Jérusalem. On y trouve l’arche d’alliance, avec les tables de la Loi données à Moïse au Sinaï ; l’autel des sacrifices, qui exprime le culte rendu à Dieu ; et surtout la présence que Dieu a manifestée le jour de la Dédicace par Salomon.
Après la mort de Salomon, le royaume est divisé en deux : au Nord, Israël avec une dynastie distincte ; au Sud, Juda, avec une autre dynastie.
Tant au Nord qu’au Sud surgissent des prophètes qui rappellent inlassablement en quoi consiste l’alliance, la fidélité à la Loi donnée par Dieu et ses implications au plan éthique. Parmi ces prophètes, nous avons Elie, Amos et Osée au Nord. Finalement, le royaume du Nord est englouti dans l’empire de l’Assyrie en 722.
Le royaume du Sud reçoit les prophètes Isaïe, Michée, Nahum, Sophonie, Jérémie et Habaquq. Vers 598 avant Jésus-Christ, le roi de Babylone, Nabuchodonosor, commence une série de déportations de la population de Jérusalem. En 587, Nabuchodonosor fait détruire le Temple de Jérusalem. Le royaume du Sud est englouti dans l’empire babylonien.
C’est durant cette déportation, l’exil à Babylone, que surgit le prophète Ezékiel qui, comme son prédécesseur Jérémie et son contemporain, un autre prophète qui, lui aussi, est appelé Isaïe, fait une relecture de l’alliance de Dieu avec son peuple. N’oublions pas que les déportés vivent là où Abraham a vécu, Ur en Chaldée. Il est par conséquent aisé de tout relire en discernant dans les événements survenus le dessein de Dieu. Durant la période de l’Exil, il n’y a plus de Temple pour célébrer le culte. Les prophètes vont insister sur le culte spirituel, la circoncision comme signe de l’alliance, la sanctification du jour du sabbat, l’écoute de la Parole de Dieu à partir de textes, de l’Ecriture Sainte, la confiance en Dieu et encore l’alliance de gravée dans les cœurs, une alliance spirituelle. Les prophètes vont donner la cause de la déportation. Comme les gens de Juda couraient vers les idoles, péché d’idolâtrie ; comme les gens de Juda trafiquaient dans le commerce, dans la manière de vivre comme membres du peuple de Dieu, Dieu a cessé d’avoir pitié de son peuple et de sa Demeure, le Temple de Jérusalem. C’est ce que rapporte le deuxième livre des Chroniques, la première lecture de ce jour.
L’empire babylonien s’effondre pour laisser la place à l’empire perse en 539. Cyrus fait publier un édit l’année suivante : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; et il m’a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, en Juda. Quiconque parmi vous fait partie de son peuple, que le Seigneur son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem.
Le retour de l’Exil à Babylone est décrit comme un nouvel Exode, semblable à la délivrance de l’esclavage en Egypte. Il faudra du temps pour reconstruire le Temple de Jérusalem. Les prophètes Aggée et Zacharie encouragent les déportés revenus en Juda.
En raison des déportations successives du royaume du Nord en 722 et du royaume du Sud à partir de 598, on trouve des communautés de Juifs, nom nouveau donné aux habitants du Nord et du Sud, dans les grandes villes où ils s’étaient réfugiés : en Egypte, en Babylonie, en Perse. On comprend que la référence à l’alliance, sans de contact direct avec le Temple de Jérusalem, va être modifiée selon qu’on l’on vit au milieu des païens, des non-Juifs, ou rien qu’avec des Juifs, dans la ville de Jérusalem. La manière juive de vivre de l’alliance aura plusieurs facettes. D’où l’importance de textes sacrés, les Ecritures, et le commencement d’un culte familial, à la maison, puisque le Temple de Jérusalem est inaccessible. D’où, également, l’importance de pèlerinages à Jérusalem pour retrouver ses racines.
Régulièrement, les Juifs vont insister sur la foi au Dieu unique et à son alliance avec son peuple.
L’apôtre Paul est né dans une communauté juive en dehors de Jérusalem. Une fois qu’il a saisi que le Messie est bien Jésus, crucifié et ressuscité, il va reprendre en quoi consiste le salut offert par Dieu. Le salut n’est pas la récompense d’actes vertueux, mais bien le don, gratuit, offert à celui qui croit. Nous avons entendu cela dans la deuxième lecture, la lettre aux Ephésiens : C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions. En d’autres termes, en raison du salut que nous recevons par la foi, nous agissons en conséquence. Notre vie morale est une conséquence du salut reçu.
La semaine dernière, l’évangile de Jean nous disait qu’un peu avant la Pâque, Jésus était à Jérusalem. Il y a chassé les vendeurs du Temple, tout en annonçant : Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours, je le relèverai. Il parlait du sanctuaire de son corps.
Toujours à Jérusalem, Jésus reçoit, de nuit, Nicodème, un notable juif qui est pharisien. Il connaît bien les Ecritures et veut se laisser instruire par Jésus. A un certain moment de la conversation, Jésus évoque le serpent de bronze élevé par Moïse dans le désert. Ceux qui avaient été mordus par un serpent conservaient la vie en regardant le serpent de bronze.
Jésus parle ensuite du Fils de l’homme qui va être élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Et d’annoncer que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
De nouveau le lien entre le salut et la foi. Comme chez l’apôtre Paul, l’évangile de Jean commence par l’amour de Dieu ; la miséricorde de Dieu, dit saint Paul.
Les œuvres de celui qui croit, qui fait la lumière, sont accomplies en union avec Dieu.
Le temps du carême est un temps où nous faisons la lumière, afin que, recevant par la foi, le salut de Dieu manifesté dans le Fils, le Christ, nous agissions en union avec Dieu.
Ce dimanche, deux catéchumènes vont vivre le deuxième scrutin avant de recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne. Le premier scrutin a eu lieu en mars 2020.
L’évangile proclamé est celui de l’aveugle-né, dans l’évangile de Jean. Les catéchumènes viennent à la lumière. Le Christ est lumière. Il ouvre nos yeux. L’aveugle-né a vu quand il s’est plongé dans la piscine de Siloé. C’est une figure du baptême.
L’Epître à Barnabé, postérieure à la destruction du Temple de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ, est probablement du IIème siècle. Elle a eu une grande influence sur la communauté chrétienne d’Alexandrie (Egypte) au IIIème siècle. Des grands auteurs l’ont même assimilée aux Ecritures bibliques. Nous y lisons : Alors que Moïse lui-même avait donné ce précepte : « Vous n’aurez aucun objet ni fondu ni sculpté qui vous tienne lieu de Dieu », il en fabrique pourtant un pour présenter une figure de Jésus. Moïse fabrique donc un serpent d’airain, le dresse solennellement et convoque le peuple par proclamation publique. S’étant de ce fait réunis ils pressaient Moïse d’adresser une prière en leur faveur, afin qu’ils soient guéris. Mais Moïse leur dit : « Lorsque l’un de vous sera mordu, qu’il vienne vers le serpent placé sur le bois et qu’il espère, dans la foi, que ce dernier, même mort, puisse donner la vie, et aussitôt il sera sauvé ». C’est bien ce qu’ils firent. Tu as là encore la gloire de Jésus, car tout est en lui et pour lui.
+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai